top of page

Démons, Chapitre 1

  • JuliaRJ
  • 9 déc. 2018
  • 20 min de lecture

Bonjour à toutes et à tous,


Comme je l'ai fait pour le tome I et III d'Annéa et "Immortels", aujourd'hui je partage avec vous le chapitre 1 de "Démons".

Cette histoire se passe de nombreuses années après "Immortels", nous sommes en 2115 et comme vous l'imaginez le monde a bien changé, mais les Immortels sont toujours là ;).

Voici le chapitre 1 en espérant que cela vous donne envie d'en savoir plus et de commander le livre en version papier ou E-book !

Noël approche, faites plaisir, faites-vous plaisir et faites une bonne action, je vous promets de faire une " danse de la joie" dans ma cuisine à chaque livre commandé Annéa ou Immortels ;).

demons julia rebert

.1.


La basilique était plongée dans le noir, vide. Quelques bougies blanches se trouvaient sur l'autel, formant un demi-cercle sur la pierre sombre. La silhouette d'une jeune femme dont les boucles blondes tombaient en cascade sur ses épaules, se dessinait nettement devant les flammes dansantes. Elle se trouvait à genoux sur le sol, les mains liées devant elle. Ses fines lèvres rosies bougeaient à peine alors qu'un faible souffle s'en échappait. Elle gardait les yeux fermés pendant un long moment avant de finalement les ouvrir lorsque sa prière fut terminée. Elle posa alors son regard aussi bleu que l'océan sur la croix en bois suspendue au-dessus de l'autel. Elle soupira profondément, elle se leva et elle le fit le signe de croix. De haut en bas et de gauche à droite avant de déposer un baiser sur le pendentif qu'elle tenait entre ses doigts et qu'elle avait serré pendant de longues minutes. Elle tourna alors le dos à l'autel et fit quelques pas, faisant résonner ses talons sur le sol en dalles sombres tout en mettant le pendentif dans sa chemise, tout contre sa peau. Bien décidée à quitter les lieux, elle se figea pourtant sur place au milieu de la nef centrale, lorsqu'elle vit un homme apparaître en face d'elle. Son souffle se coupa l'espace d'un instant, et ils restèrent face à face quelques secondes, en silence, avant que la jeune femme ne prenne la parole d'un ton amer.

- Duncan, que fais-tu ici ? - Je venais y faire la même chose que toi, ce que tu fais chaque année, depuis soixante ans. Je venais prier. - Prier ? Sais-tu encore ce que ce mot veut dire ? Il ne répondit pas et elle soupira profondément en regardant le plafond qui se trouvait bien des mètres plus haut et dont elle ne pouvait que distinguer les courbes des arcs boutants. - Tu sembles épuisée Diane, que... - Si tu t'avisais encore à venir prier ici à chaque date d'anniversaire de la mort mes enfants, dit-elle d'une voix dure, je crains que ce sera la dernière chose que tu feras sur cette Terre. Elle passa à côté de lui pour quitter la basilique, mais elle s'arrêta encore une seconde pour plonger son regard dans le sien. - Tu as de la chance que je ne t'ai jamais vu auparavant, grommela-t-elle en voulant s'éloigner. Pourtant, il ne l'entendit pas de cette façon. Lorsqu'elle le frôla, il l'empoigna par le poignet et il plongea son regard dans le sien. - Diane, murmura-t-il du bout des lèvres, cela fait des années que je n'ai plus eu de nouvelles de vous, que j'ignore où vous vivez. - Tu n'en t'es jamais soucié par le passé. - Détrompes-toi, j'ai toujours voulu savoir où tu vivais et ce que tu faisais. - Duncan, par pitié, soupira Diane d'un ton las. - Parle-moi de lui. - De qui ? - Notre fils, mon fils. - Ton fils est mort, il est mort le jour où tu as tué ma fille, il y a soixante ans Duncan, insista Diane sur un ton plus fort, je l'ai abattu par ta faute, sous tes propres yeux, ici. - David, murmura Duncan, c'est bien son prénom, n'est-ce pas ? Cet enfant que tu as mis au monde quelques mois plus tard. Tu ne peux rien me cacher, insista Duncan lorsqu'il vit que Diane voulait s'échapper de son emprise, tu le sais. Tu le portais encore en toi que je savais déjà que tu me donnerais un fils. - Je l'ai protégé de toi toutes ces années, et je continuerai de le faire. Tu ne le connaîtras pas Duncan, jamais, tu m'entends ? Jamais, tu ne me le prendras comme tu m'as pris John, jamais, souffla Diane en se libérant de l'emprise du jeune homme, tu ne lui feras pas de mal et tu ne le détruiras pas. Pas lui. Je porte chaque jour en moi les remords d'avoir tué mon propre enfant, par ta faute, répondit-elle avant d'emprunter l'allée sombre vers la porte en bois un peu plus loin, je ne ferai pas la même erreur avec mon autre fils alors disparais Duncan, murmura-t-elle une dernière fois.

Il la regarda partir en silence, les poings serrés le long du corps, le regard noir et les lèvres pincées, jusqu'au moment où la porte se referma lourdement sur Diane.


Elle se réveilla en sursaut. Assise dans son lit, elle sentait la sueur glisser le long de sa colonne vertébrale. Le souffle court, le cœur battant la chamade. Elle reprenait pieds dans la réalité après ce terrible rêve qu'elle savait être un souvenir d'il y a quelques années déjà. Diane ferma les yeux en soupirant et en se massant le front pour écarter une mèche de cheveux. Elle laissa son cœur se calmer. Puis, elle retomba à nouveau sur ses oreillers. Elle regarda un long moment le plafond blanc au-dessus de sa tête, perdue dans ses pensées, qui la menaient vers de terribles moments de sa vie. Bien que cela s'était passé de nombreuses années plus tôt, elle revivait la mort de ses enfants et sa dernière rencontre avec Duncan dans ses nuits les plus mouvementées. Elle savait que le passé était le passé et qu'elle ne pouvait pas le changer, et pourtant, il la hantait toujours comme au premier jour. Sachant qu'elle ne pourrait pas se rendormir après cela, la jeune femme roula sur le côté et elle laissa son regard voyager sur la ville qui s'étendait au dehors. L'immense baie vitrée faisait tout un pan de mur de sa chambre plongée dans le noir. Elle pouvait voir les lumières des immeubles environnants briller au cœur de la nuit noire et s'étendre à perte de vue. En cette année de 2115, Diane vivait dans l'une des plus haute tour de la ville faite d'acier et de verre. Elle passait de longues nuits à regarder les lumières scintiller jusqu'à l'horizon, laissant simplement son regard se perdre sur cette cascade de diamants de toutes les couleurs. Il n'y avait rien qui l'apaisait davantage que de laisser voyager son regard sur les milliers de petites lucioles qui se perdaient au loin. Depuis qu'elle vivait ici, depuis qu'elle était devenue l'une des dirigeante de cet îlot naviguant sur les océans, Diane passait beaucoup de temps à regarder cette ville, à s'imaginer quelle vie pouvait mener l'un ou l'autre habitant dont elle pouvait voir les lumières des appartements. Toutes les bâtisses ou presque s'élevaient haut dans le ciel, il ne restait que quelques bâtiments en pierres, souvenir des anciennes villes des continents aujourd'hui engloutis par les eaux. Il ne restait que quelques vestiges enfouis dans les abysses, des témoignages enregistrés, de rares sanctuaires encore protégés au fond des océans, qui témoignaient de ces civilisations autrefois prospères et aujourd'hui détruites. Diane se souvenait de la Terre quelques siècles plus tôt. Elle se souvenait du goût qu'avait la nourriture que l'on cueillait au jardin, alors qu'aujourd'hui les fruits et les légumes poussaient dans d'immenses complexes aux abords de la ville. Certains îlots étaient consacrés à l'élevage du bétail qui ne se nourrissait que d'aliments créés en laboratoires, car trop peu de ressources naturelles étaient encore disponibles. D'autres gardaient les industries et tout transitait par bateau, dans le monde entier. Il ne restait de l'ancienne Terre que des souvenirs, et ces montagnes autrefois enneigées, étaient aujourd'hui recouvertes de plantes exotiques. Le monde avait changé, et une fois encore Diane en avait été le témoin. Mais elle ne pouvait s'empêcher de penser à ce que la vie avait été, avant. Avant que la nature ne reprenne ses droits sur les hommes, avant que ceux-ci ne puissent pas défaire ce qu'ils avaient causé ; la destruction de civilisations et de milliers d'espèces végétales et animales. La disparition de la moitié de la population mondiale. Incapable de retrouver le sommeil, la jeune femme quitta son lit, seul meuble hormis un fauteuil derrière la baie vitrée dans cette chambre vide et sans âme. Il n'y avait rien d'autre, rien que les murs d'un blanc immaculé refermant toutes ses affaires dans de grands placard invisibles. Il n'y avait aucun élément de décoration, rien si ce n'était un tableau représentant une demeure en pierres dans la campagne toscane, rien si ce n'était cette immense baie vitrée donnant vue sur la ville. A peine vêtue d'un short et d'un débardeur blanc, ses cheveux blonds ondulant dans son dos, Diane enfila la robe de chambre en soie qui se trouvait au bout de son lit. Puis, elle quitta la pièce d'un pas lent, nouant la ceinture sur sa taille gracile. Elle ne prit pas la peine d'ouvrir la porte, qui le fit automatiquement devant elle.

Il est deux heures et trente trois minutes, lança la voix féminine de l'ordinateur alors qu'elle arpentait le couloir qui s'alluma sur son passage, dois-je mettre le café en route Madame ?

- Non, grommela Diane, David est-il dans sa chambre ?

Il s'écoula quelques secondes que Diane passa à se diriger vers la cuisine dans ce long couloir vide aux murs blancs, avant que la voix ne se fasse entendre à nouveau.

Non, aucune trace de David. Il n'est pas localisé dans l'enceinte du bâtiment.

Diane soupira profondément et elle rejoignit le salon vitré de toutes parts dans lequel se trouvaient un large canapé sombre, une table basse et quelques meubles disséminés aux quatre coins de la pièce. La lumière s'alluma sur son passage mais elle effleura simplement le mur du bout des doigts pour plonger la pièce dans le noir. C'était comme ça qu'elle la préférait, simplement éclairée par les lumières de la ville à l'extérieur. La jeune femme se dirigea vers un bahut sur lequel elle laissa glisser sa main. Il n'en fallut pas davantage au meuble pour s'ouvrir et lui proposer des bouteilles d'alcool et des verres. Elle se servit un verre de vin rouge et son regard se posa sur la ville à nouveau.

Je détecte une inquiétude dans votre attitude, Madame. Dois-je activer sa balise GPS pour tenter de le localiser ?

- Non, soupira le jeune femme en s'approchant de la baie vitrée, merci Némésis c'est tout pour ce soir. Bien Madame. Diane resta debout devant l'immense baie vitrée, buvant tranquillement son verre sans pour autant quitter la ville des yeux. Elle resta là, de longues minutes, le regard perdu au loin, perdue dans ses pensées et dans ses souvenirs lorsqu'un bruissement de vêtements dans son dos la fit reprendre pied dans la réalité. Elle ne se retourna pourtant pas en entendant le jeune homme approcher d'elle qui posa sa main caleuse sur son épaule et déposa un baiser sur sa joue. - Bonsoir maman, dit-il tendrement en s'éloignant. - Où étais-tu encore David ? soupira Diane en se tournant vers lui. Elle plongea son regard dans ses yeux gris, sondant son esprit comme elle le faisait depuis des années. David avait beau être né soixante trois ans plus tôt, il avait le physique et souvent les attitudes d'un adolescent de dix-sept ans à peine. Il était pourtant de la même taille que Diane, les cheveux aussi blonds que les siens, ondulant presque jusque sur ses épaules, et ce regard clair et profond. Son fils lui ressemblait beaucoup. Féru de sport, il passait de nombreuses heures par semaine à faire de la musculation, de la boxe et parfois ils se battaient entre eux pour parfaire son entraînement. Le jeune homme avait tout appris d'elle et elle devait admettre que l'élève avait désormais dépassé le maître pour un bon nombre de choses. Il était malin, intelligent, persévérant et indépendant. C'était également un très bel homme, qui savait faire tourner la tête des femmes. Et qui abusait de son charme bien trop souvent. Ainsi son fils lui sourit tendrement, de ce sourire qu'elle connaissait bien pour l'avoir vu tant de fois sur le visage de Duncan. Car s'il avait hérité quelque chose de son père c'était bien ce sourire charmeur, et cette tendance à toujours se mettre dans de dangereuses situations, au plus grand regret de Diane. Sans un mot, il prit des mains de sa mère le verre où se trouvait encore une fond du liquide sucré, pour le poser sur le meuble se trouvant tout à côté. - Réponds-moi, insista la jeune femme. - Avec des amis, dit-il simplement. - Je vois, grommela Diane en le contournant pour reprendre son verre et quitter la pièce d'un pas lent afin de rejoindre la cuisine tout aussi peu décorée. - Je t'en prie, soupira son fils, je ne suis plus un enfant et je sais me défendre. - Tu ne comprendras donc jamais, dit-elle en secouant la tête de gauche à droite, tu ne peux pas te permettre de vivre une vie normale. Tu ne peux pas sortir avec des amis, côtoyer des personnes qui ne te verront pas vieillir, continuer de risquer ta vie dans des endroits pareils. Il ne répondit pas, la regardant simplement boire le reste du verre. Puis, un compartiment dans le mur s'ouvrit et elle y plaça l'objet avant de se retourner vers son fils une fois encore alors qu'il se refermait déjà. - Malgré ton âge, tu ressembles à un adolescent de dix-sept ans David, tu ne peux pas te trouver dans les bars, les clubs et les rues dangereuses à cette heure de la nuit. Un jour il t'arrivera quelque chose, une bagarre, une agression et tu finiras à l'hôpital, et tu ne dois pas aller à l'hôpital. Si quelqu'un apprenait que tu es un être exceptionnel cela pourrait avoir de graves conséquences. - Peut être bien, mais je refuse de passer à côté de ma vie simplement par crainte d'être découvert. Je ne fais rien de mal. Je veux juste vivre maman. - La vie est longue, tu auras tout le temps de la vivre pleinement. Plus tard. - Et j'entends bien la savourer à chaque seconde mais je ne veux pas rester enfermé dans cette tour, répondit tendrement le jeune homme en se dirigeant vers elle, ne t'en fais pas tant maman, murmura-t-il en la prenant dans ses bras, je fais attention. Elle soupira simplement en fermant les yeux, resserrant son étreinte autour de son fils. Puis, elle déposa un tendre baiser dans ses cheveux et ils se séparèrent doucement. - Tu es mon fils unique David, et je mourrais si je devais te perdre. - Cela n'arrivera pas, je te le promets. Je vais me coucher, je suis épuisé. Bonne nuit. Diane acquiesça et elle déposa simplement un baiser sur sa joue avant qu'il ne quitte la pièce d'une démarche lente et chaloupée. Elle resta alors là, les mains sur l'îlot central de la cuisine d'un blanc immaculé. Puis, après quelques secondes passées en silence, elle quitta la pièce à nouveau. Elle emprunta un long couloir dont la faible lumière diffuse du plafond s'allumant sur son passage laissait quelques éclats sur la peinture lisse. Elle se dirigea vers l'immense porte d'entrée avant d'ouvrir un boitier incorporé dans le mur, avant de toucher du bout des doigts un clavier numérique tactile.

Niveau de sécurité maximum, fit la voix mécanique une fois encore.

Diane referma le boitier de contrôle et elle se dirigea vers sa chambre au fond du couloir. Elle se recoucha dans son lit, laissant les draps blancs l'engloutir totalement, et sans qu'elle ne s'en rende compte, elle finit par s'endormir enfin.



Ils se trouvaient dans la grande salle d'entraînements depuis de longues minutes déjà. Il n'y avait pas le moindre élément de décoration, un simple tatamis blanc sur le sol, les murs tout aussi immaculés, une porte en verre fumée et trois marches qui conduisaient vers un long couloir lumineux. Ni plus, ni moins. Vêtus simplement d'un haut noir et d'un pantalon blanc, Diane et David se battaient avec un bâton d'entraînement, sans relâche, comme ils le faisaient chaque semaine depuis des dizaines d'années. A peine enfant, le jeune garçon avait déjà appris les bases du combat au corps à corps avec sa mère. Elle lui avait enseigné tout ce qu'elle savait, elle avait veillé à son éducation dans les moindres détails. Et même si cela avait valu de nombreuses tensions entre eux au fil des années, elle était fière de lui aujourd'hui, tout autant que lui était reconnaissant d'avoir appris auprès d'elle. Car à présent adulte, il était devenu un brillant combattant. Diane regardait son fils bouger devant elle, esquivant ses coups, alors qu'elle lui donnait encore des conseils. Elle ne remarqua pas la jeune femme qui se tenait dans le coin de la pièce et qui y était entrée sans faire de bruits. Celle-ci l'avait fait quelques minutes plus tôt, sachant que la mère et son fils devaient une fois encore passer des heures à s'entraîner, à son plus grand regret. Ainsi, Lucy demeurait là, immobile et silencieuse en les observant. La jeune femme était grande et élancée mais les talons hauts qu'elle portait lui donnaient encore plus de hauteur et de prestance. Elle portait un tailleur noir. Tirée à quatre épingles, aucune mèche rousse ne s'échappait de son chignon serré. Elle avait un visage fin, une peau aussi blanche que de la porcelaine mais où quelques tâches de rousseurs ponctuaient ses pommettes et son nez. Lucy avait toujours été une très belle enfant et aujourd'hui, à l'apparence de ses vingt-trois ans, elle était devenue une ravissante jeune femme au corps parfait. Tout en tenant un dossier contre sa poitrine, elle regardait de ses grands yeux verts les deux personnes un peu plus loin se pinçant nerveusement ses fines lèvres à peine rosies. Cela faisait des années qu'elle vivait avec eux, si longtemps qu'elle ne se souvenait même plus l'année de sa rencontre avec Diane, bien avant que celle-ci ne donne naissance à son dernier fils. Mais Lucy se souvenait du jour où cette femme impressionnante et douce s'était trouvée devant elle pour la toute première fois. Depuis des siècles, elle n'avait jamais oublié l'instant où elle avait croisé son regard. Cet instant où Diane avait tendu la main vers elle et où elle l'avait saisi, confiante, sereine sachant qu'elle pouvait sans aucune hésitation lui mettre son avenir entre ses mains. La vie les avait séparé, mais elle avait toujours su que Diane veillait sur elle. Et puis, elles s'étaient retrouvées. Sans que jamais Lucy ne saches vraiment pourquoi Diane avait tenu à ce qu'elle vive avec eux dans cette immense tour qui était aujourd'hui sa maison. Pourtant, la jeune femme était ravie, durant toute sa longue vie, personne n'avait jamais été aussi important pour elle que celle qui se battait un peu plus loin, que celle qui lui avait tout appris et qu'elle considérait comme son mentor, son sauveur, sa mère un peu aussi peut être. Les coups tombaient toujours plus durement, plus violents et plus répétés. David faisait de son mieux. " Tu peux toujours faire mieux David, lui répétait sa mère sans cesse, alors donne toi du mal." Et ainsi, il avait toujours en lui cette envie de vaincre plus forte que tout le reste. Il lui arrivait de retenir ses coups, ne voulant pas blesser sa mère qui pourtant était bien plus expérimentée que lui. Il échappa à une nouvelle attaque qu'elle porta à son torse pour tourner sur lui même et lui répliquer aussitôt. Elle sentit alors le bout de bois heurter son visage, et elle s'écroula sur le sol dans un soupir de douleur. Le jeune homme ne mit qu'une seconde pour jeter son arme au sol et s'approcher de sa mère à genoux, la tête baissée, le souffle court, alors que son sang se répandait sur le tapis blanc. - Maman, lança-t-il avec inquiétude en posant sa main sur son épaule et la regardant avec intérêt, est-ce que ça va ?

Elle leva le visage vers lui et elle croisa son regard. Elle porta sa main à sa bouche et elle essuya le sang qui y coulait. - Diane, souffla Lucy en arrivant à leur hauteur pour voir son autre blessure au nez. - Ça va, soupira Diane, ne vous inquiétez pas, je m'en remettrai. - L'entraînement est terminé pour aujourd'hui, murmura la jeune femme. - Lucy, je suis assez grande pour... - Je suis votre médecin, coupa la jeune femme tendrement mais pourtant avec conviction, vous savez que j'ai raison en vous disant qu'il vous faut vous reposer. - Ma mère a connu bien pire Lucy, ajouta David en levant les yeux vers la nouvelle venue, elle est bien assez forte pour endurer les combats au corps à corps. - Vous n'êtes pas Docteur, moi si, alors je ne me prononcerais pas sur ce sujet si j'étais vous, rétorqua la jeune femme, ce coup était violent. Le combat est terminé pour aujourd'hui, elle doit aller à l'infirmerie pour se soigner. David voulut ouvrir la bouche pour lui répliquer, mais Diane leva simplement la main, les tenant au silence tous les deux. Elle inspira alors péniblement, elle savait de quoi la jeune femme voulait parler, elle savait qu'elle connaissait son secret et elle savait que la raison la poussait à devoir lui obéir. Elle quitta son regard en un soupir et elle regarda le sol, ces tâches de sang qui imprégnaient le tissu clair. - Nous reprendrons un autre jour David, murmura-t-elle sans le regarder, je suis fatiguée aujourd'hui. Lucy a raison, il en est mieux ainsi. - Je comprends, acquiesça le jeune homme, je suis désolé maman. Je ne voulais pas te blesser. Elle leva les yeux vers lui, lui caressant tendrement la joue en souriant. - Ce n'est pas ta faute, je crois simplement qu'aujourd'hui l'élève a dépassé le maître. J'en suis heureuse et fière. Tu sais tout ce que je sais à présent. - Jamais je ne serai à ta hauteur, continua le jeune homme, tu es la meilleure combattante qui existe. - Eh bien je crois que cela a changé, répondit Diane en souriant timidement, tu en as la preuve. Elle le quitta des yeux et tant bien que mal, elle se leva avec l'aide des deux jeunes gens à ses côtés. Elle s'appuya sur Lucy qui la tint par le bras. - Peux-tu t'occuper de nettoyer ceci ? demanda-t-elle à son fils. - Bien entendu. Elle lui sourit une fois encore et Lucy l'aida à quitter la pièce non sans avoir lancé un regard noir au jeune homme qui ne la quittait pas des yeux. Il connaissait ce regard pour l'avoir vu tant de fois. Ce n'était un secret pour personne, Lucy et lui ne s'entendaient pas. A dire vrai, ils n'avaient jamais la même opinion sur quoique se soit et ils se disputaient constamment. Le jeune homme ne supportait pas sa morale, sa façon qu'elle avait de vouloir avoir raison, à tout bout de champ. Il n'avait jamais vu Lucy autrement que dans ses vêtements sombres, ses cheveux attachés et ses lunettes noir sur le nez. Lucy était tout l'inverse de lui, elle ne faisait que travailler, encore et encore, elle ne sortait jamais, elle ne fréquentait personne. Elle se contentait d'être auprès de Diane, de la soutenir, de la seconder et de veiller sur elle. David savait pourquoi sa mère était si proche de Lucy. Il savait qu'elle avait perdu sa sœur aînée, peu avant sa naissance, et il comprenait que Lucy devait lui ressembler. Diane ne parlait que rarement d'Aurore et de son fils, John, lui aussi ayant péri avant qu'il ne puisse avoir la chance de le rencontrer. David avait appris à ne rien demander, parfois sa mère lui racontait des souvenirs de son autre vie, parfois elle avait évoqué son père. Mais David n'avait jamais rien demandé, jamais. Il avait compris à quel point elle détestait cet homme, mais il savait qu'elle avait dû l'aimer passionnément, autrefois. Il connaissait son nom, il connaissait ses actions passées, Diane y avait veillé. Elle n'avait pas voulu répéter ses erreurs. Elle l'avait ainsi mis en garde pour qu'il sache, pour qu'il puisse se préparer à le rencontrer un jour ou l'autre. Car elle connaissait mieux que quiconque Duncan de Molay, il allait vouloir connaître son fils, et elle ne pourrait jamais l'empêcher. Elle faisait ainsi tout depuis des années pour préparer David à cette éventualité, pour qu'il sache se défendre et pour qu'elle ne le perde pas, lui aussi. Simplement vêtue d'un débardeur noir et d'un pantalon en toile, Diane se trouvait assise sur un lit de l'infirmerie, le dos contre le montant du lit. La pièce était sombre et d'une propreté clinique. Il y avait trois lits avec tout autour d'eux le matériel nécessaire pour soigner d'éventuels blessés. Lucy se tenait près d'elle, effectuant de nombreux examens médicaux alors qu'elle se laissait simplement faire sous les mains expertes de la jeune femme à ses côtés. Elle avait parfois les yeux fermés, d'autres fois, elle la regardait en silence. Avec délicatesse, Lucy lui prit le pouls avant de venir lui prélever un peu de sang avec une seringue dans son avant-bras. Puis, elles échangèrent un regard et la plus jeune des femmes remonta délicatement le tissu du débardeur sur son ventre, jusque sur sa poitrine. Diane ferma les yeux en sentant les doigts de Lucy sur sa peau alors que celle-ci soupira profondément. Elle inspecta avec précision chaque centimètre, chaque marque qui jalonnait son ventre et sa taille. - Diane, il faut vous montrer plus prudente, vous êtes couverte d'hématomes. Vous ne guérissez plus comme avant. - Je le sais, soupira Diane en ouvrant les yeux à nouveau pour regarder son corps blessé, mais David doit encore beaucoup apprendre. - Il est un bon combattant, il saura se défendre et il n'a plus besoin de ces entraînements à vos côtés, il peut le faire seul. Vous devez penser à vous. - Lucy j'apprécie tout ce que tu fais pour moi, mais je suis assez grande pour prendre soin de moi. - Vous êtes presque mourante Diane ! s'exclama la jeune femme sur un ton plus dur en s'éloignant d'elle. Et je refuse de vous voir mourir parce que vous vous montrez imprudente. Vous devriez arrêter vos entraînements, vos voyages et les longues nuits que vous passez à travailler. Et vous devriez lui dire. - Il est hors de question que j'en parle à David. Lucy, insista Diane en lui prenant la main pour la serrer avec force et plonger son regard dans le sien, personne ne doit le savoir. Si s'en était le cas, les familles pourraient se déchirer. Je suis leur guide Lucy, et je dois le rester avant que David ne prenne ma place. J'ai confiance en toi, tu dois garder mon secret. - Mais... - Et même si je sais que tu as raison, continua Diane, tu connais aussi mon rôle à jouer, tu sais que je ne dois pas montrer mes faiblesses. Personne ne doit connaître mon secret, personne ne doit savoir que je suis malade et que l'heure approche. - J'ai peur de vous perdre, répondit la jeune femme en retenant ses larmes, je ne le supporterais pas. Vous êtes tout ce que j'ai Diane. - Tu es bien plus jeune que moi, répondit tendrement Diane, un jour viendra où je mourrai, il le faut. Cette infection dans mon sang est tout à fait normale, j'ai vécu si longtemps, tant de siècles qu'il ne peut en être autrement. Mon fils devra reprendre ma quête et mon combat et ce jour là, il aura besoin de toi à ses côtés. Lucy secoua la tête de gauche à droite en soupirant et Diane sourit quelques instants. - Je sais que vous ne vous supportez pas tous les deux, mais je vous connais, le jour venu, vous aurez besoin l'un de l'autre. Il aura besoin de ta sagesse et de tes connaissances, de ta présence également. Lucy garda son regard plongé dans le sien pendant encore quelques minutes, y voyant les larmes naître dans le doux regard de Diane. Puis, après une longue inspiration, elle resserra ses doigts sur les siens et elle acquiesça simplement, regardant le sol avant de s'éloigner et de lui tourner le dos.

- Je vais faire vos analyses, dit-elle en reprenant son souffle sans la regarder pour quitter la pièce au pas de course, reposez-vous s'il vous plaît, ne serait-ce qu'une heure, dit-elle sur le pas de la porte sans se retourner impatiente de quitter l'endroit pour ne pas fondre en larmes.

Diane la regarda partir en silence avant de baisser les yeux vers son corps. Elle redessina du bout des doigts les nombreux hématomes qui jalonnaient son ventre et sa poitrine, puis, dans un soupir, elle redescendit le tissu et elle s'allongea. Lucy avait raison, elle prenait beaucoup de risques. Elle savait depuis bien longtemps que son corps se fatiguait, que le temps allait venir pour elle de quitter cette Terre. Mais elle avait encore tellement à faire, à apprendre, à enseigner. Elle œuvrait depuis tant d'années déjà, elle voulait partir quand le moment serait venu, quand elle l'aura choisi, seule. Elle voulait que personne ne saches, que personne ne voit son corps se dégrader. Car elle gardait ce physique depuis des centaines d'années, mais à l'intérieur ses organes vieillissaient. Aucun membre de l'Ordre n'avait jamais vécu aussi longtemps qu'elle, si ce n'était Henry qui avait toujours su rire au nez et à la barbe de la mort elle-même. Tous les autres avaient été tués, ou ils avaient péri dans des accidents bien longtemps avant elle. Elle ignorait si Duncan était encore de ce monde. Le temps et les maladies ne pouvaient pas tuer des êtres comme eux, mais il y avait tant d'autres choses. Diane avait frôlé la mort si souvent, et il lui était arrivé de le souhaiter parfois également. Aujourd'hui qu'elle en approchait, elle était terrifiée. Elle n'avait eu que peu de secrets pour David, mais celui-là elle comptait bien le garder. Malgré tous ses efforts, son fils n'était pas encore prêt. Il était encore bien trop impétueux et inconscient pour prendre sa place. Mais Diane savait qu'il trouverait un soutient infaillible en Lucy, elle n'en doutait pas une seule seconde. Ainsi, elle continuait de leur apprendre tout ce qu'elle savait, tout ce dont ils auraient besoin de connaître après son départ. La jeune femme soupira profondément en regardant le soleil passer par la fenêtre un peu plus loin, de l'autre côté de la pièce. David ressemblait à son père plus qu'elle ne pouvait l'imaginer. Et elle en était à la fois fière et effrayée. Elle se demanda l'espace d'un instant où se trouvait Duncan, comme elle le faisait parfois le soir lorsqu'elle n'arrivait pas à dormir. Cela faisait des années qu'elle ne savait plus rien de lui. Elle en était soulagée, la plupart du temps du moins. Mais parfois, elle ne pouvait s'empêcher de repenser aux moments qu'elle avait partagé avec lui, les bons moments, avant qu'il ne devienne un monstre. Elle se remémorait leur dernière nuit d'amour, celle qui avait conduit à sa grossesse, celle qui avait eu pour conséquence la naissance de David. Malgré tout ce qu'il s'était passé, malgré le fait qu'elle le tenait pour responsable de la perte de ses deux enfants, Diane ne regrettait pas cette nuit là et ses conséquences. Elle regrettait simplement d'avoir aimé, et peut être d'aimer toujours un homme tel que Duncan. Mais contre cela, Diane n'avait jamais pu lutter. Il en était ainsi et aujourd'hui, elle devait l'accepter. Comme elle devait accepter le fait que personne n'était jamais tout à fait immortel.


________________________________________________


Julia R.

Comments


Posts à l'affiche
Posts Récents
Archives
Rechercher par Tags
Retrouvez-nous
  • Facebook Basic Square
  • Twitter Basic Square
  • Google+ Basic Square
bottom of page